La Saint Luc à Pompogne
A force de croiser des panneaux "Palombières sifflez" en courant, fallait bien que je découvre un jour ce qui se trame dans ces cabanes. Petit récit que j'ai beaucoup de plaisir à partager.
32 ans d'attente
Depuis le temps que j'entends parler de cette fièvre bleue, je me demandais si j'allais bien finir par mettre un pied dans une palombière. C'est pourtant pas faute d'avoir grandi en plein couloir de migration, ni d'avoir lu les récits de paloumayres et les tableaux de comptage dans Sud-Ouest. Alors, quand j'ai su que Philippe, un ami de mes parents, passait ses automnes à guetter le pigeon ramier, j'ai sauté sur l'occasion. Et il se trouve que cette occasion s'est présentée pour la saint Luc. Si c'est pas un grand truc...
L'appel de la forêt
"-Philippe nous a donné rendez vous à 8h15 à Pompogne.
-Pompogne !? C'est où ça Pompogne ?..."
Et nous voilà parti de Bordeaux de beau matin pour prendre la direction de ce bled un peu paumé vers Casteljaloux. Il faut dire que c'est pas tous les jours que je me lève un samedi matin à 6h pour aller à la chasse. Alors, pensez vous bien que j'ai mis le nez à la fenêtre pour essayer de ressentir l'appel de la forêt, sans beaucoup de succès. Première impression passé Langon: il n'y a que des Renault express blanches sur la route. Ça m'a rappelé ces retours de fêtes embrumés par les raccourcis de campagne où c'était déjà les seules voitures que nous croisons. "Sont bien cons ces chasseurs" qu'on disait...
Ils sont malins ces paloumayres
Arrivés à Pompognes, nous laissons les voitures à 200 mètres de la palombière. Nous entrons par un garage suffisamment large pour garer deux voitures. On pousse une porte et là, je découvre que tout a été pensé pour chasser dans les meilleures conditions. Une cuisine, un poêle à bois, une table, un petit bar, deux postes de guets surélevés et même un canapé pour se reposer avec sud ouest dans les mains. Mais le détail qui tue, c'est que depuis ce canapé, il suffit à peine de lever les yeux du journal pour surveiller la ligne d'horizon à travers une large ouverture vitrée. Visiblement, rien ne se perd.
Nous sommes 6. Les deux chasseurs, Alain et Philippe, sa fille Chloé, 14 ans et guetteuse hors pair, mon père, Béa et moi. Tout en commençant sa journée de chasse, Philippe nous met dans l'ambiance: il est temps de préparer le petit déjeuner. Ce sera à base d'omelette aux oignons, boudin, saucisson, fromage et vin. Très franchement, il n'y a rien de tel pour commencer une journée cachés dans les bois.
Premiers vols
Peu de temps après, nous rentrons dans le vif du sujet. Des petits points bleus à l'horizon, retiennent l'attention des chasseurs. Philippe rejoint illico Alain au poste de guet. Ils tirent sur des commandes qui déséquilibrent les appeaux dans les arbres. Lesquels sont bien obligés de battre les ailes pour rester sur leur branche. Au fur et à mesure que le vol survole la cabane, je comprends que les appeaux sont disséminés tout autour et que leur manège vise à inciter le vol à se poser.
Quelques instants plus tard, Alain et Philippe quittent leur poste: un vol s'est posé à l'arrière. Nous les suivons et entrons dans un dédale de couloirs. Tout au bout d'une galerie, on se retrouve dans une espèce de petite cabane. Avec juste devant, une clairière parsemée de grains de maïs et bordée de filets prêt à se refermer.
Philippe tient dans ses mains un manche au bout duquel est attachée une palombe de cabane. Brusquement, il devient un mec bizarre et se met a roucouler, à baisser son manche, de façon à la faire battre des ailes. Il imite le bruit d'une palombe qui se pose au sol pour les encourager à en faire de même. Mais le vol repart et il n'en reste que quelques unes. Les deux chasseurs optent alors pour le fusil. Et voilà les deux premières prises de la journée.
La chasse, ça creuse
A l'approche de midi, les touristes que nous sommes trouvons à nous rendre utiles en cuisine. Puis les "femmes" arrivent. L'apéro peut commencer, les langues se délient, le repas est digne du lieu. Forcement, l'attention se relâche un peu. Et comme dans les dessins animés, c'est à ce moment précis que les "rôdeuses" envahissent les arbres au nord de la cabane. Elles sont au nombre de 300 ou 400 et semblent nous narguer. Les rôdeuses, ce sont ces palombes qui se sont posés dans le coin depuis quelques temps et se reposent avant de prendre un prochain vol. Et visiblement, elle connaissent suffisamment les lieux pour ne pas se faire leurrer.
La journée continue à ce rythme, à guetter les vols et sortir dans les galeries de temps à autre. Elle se termine par un petit tour dans les bois pour nourrir la vingtaine d'appeaux. Beaucoup de vols ce jour là mais peu se seront posés. Au final, 8 prises, toutes au fusil. Des lots de consolation pour ces paloumayres qui recherchent avant tout l'excitation du filet.
Bien content d'être venu
En tout cas, comme le répète le citadin Amédée dans "Les enfants du marais", je suis bien content d'être venu. Outre l'ambiance et les techniques de chasse, je voulais comprendre pourquoi cette chasse peut aller jusqu'à décimer une équipe de rugby. Et quand on voit qu'elle demande tellement de travail, de patience, de paramètres à prendre en compte, on comprend que l'excitation s'en trouve décuplée à l'approche d'un vol. D'ailleurs, quand les chasseurs descendent dans les galeries, on dirait à leurs attitudes qu'ils ont retrouvé l'enfant qui sommeille en eux.
Pour rester bien dans la tradition des récits de paloumayres, je vais terminer ce récit par une petite anecdote me concernant. C'est simplement que je me suis tellement fondu dans la peau d'un paloumayre que j'ai fini par m'endormir au poste de guet...
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